Lumas hésita pendant un instant qui parut durer une éternité. Dans sa tête, un tourbillon d’images s’entrechoquaient, scintillaient et s’effaçaient, apparaissaient et se dissolvaient en un déluge d’idées. Combien de temps s’était écoulé depuis qu’il avait appris la nouvelle de la mort de tous les devins? Une minute, vingt jours, un siècle? Désormais, chaque pas qu’il faisait semblait peser plus lourd que le précédent, à mesure qu’il réalisait toute l’ampleur de la tragédie qui venait de se produire et du fardeau qu’il portait maintenant sur ses épaules.
Intérieurement, des barrières mentales s’étaient lever pour protéger l’esprit de Lumas de toute l’horreur qui assiégeaient sa psyché. Mais en voyant Erwan siéger ainsi dans la taverne, l’air sombre comme la mort, les dernières digues finirent par se briser dans son esprit en déchaînant un torrent d’agonie. Une larme commença à se former dans l’œil du devin, mais il la réprima d’un clignement. Pour le moment, il devait garder les yeux clairs, même s’ils étaient rivés vers un avenir noir comme le destin.
Lumas savait qu’Erwan était déjà au courant de tout, et qu’il ressentait la même peine. Tous les devins étaient morts. Depuis l’âge de treize ans, jour où il avait rencontré son premier mentor, Cillian, Lumas n’avait plus revu sa famille de sang. Depuis des décennies, le Covent avait remplacé sa famille. Le passé était sa mère, Orioh était son père et tous les devins de Bélissandre étaient ses frères. Mais maintenant, sa famille avait été détruite, assassinée. Seul lui restait Erwan, son cousin mi-figue mi-raisin, mais Lumas en éprouva un grand réconfort.
S’approchant d’Erwan comme un spectre, Lumas mis une main sur son épaule. Les deux devins partagèrent ainsi un instant de tristesse empathique. Il y eu une plus grande conversation dans ce silence que dans tous leurs échanges précédents. Désormais, ils devraient se serrer les coudes pour survivre et protéger les landes. Nuls mots n’auraient suffit à exprimer toute la douleur de Lumas.